(B2) Entre patrimoine et modernité...
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Il ouvre la porte bien droit dans de vieilles pantoufles à carreaux, la pipe aux lèvres. Derrière lui, une petite femme aux cheveux grisonnants : Ghislaine Ricez, sa compagne.
Première vraie conversation avec le leader altermondialiste au-dessus de la cuvette des toilettes, qui requièrent quelques explications. Ici, pas de chasse d'eau mais de la sciure de bois, que l'on jette dans le réceptacle après chaque utilisation. « Je le vide une fois par semaine, pour faire du compost. Dans les pays scandinaves, tout le monde a des toilettes sèches. En France, 60 % de la consommation d'eau des ménages part avec la chasse des WC. C'est absurde. » Nous voilà dans le vif du sujet. Dehors, on observe les panneaux solaires qui viennent d'être posés et réduiront de 50 % la facture d'électricité. Beaucoup d' habitants du hameau ont aidé José Bové à monter lui-même sa maison en kit. « Cela permet de gagner sur le coût du chantier. Et au fond, construire sa maison avec l'aide des voisins, c'est une tradition en milieu rural », affirme le syndicaliste.
Elle est belle, cette maison. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle tranche, justement, avec la « tradition ». La teinte claire des panneaux d'épicéa, les larges vitres qui renvoient la lumière, les courbes douces du toit n'ont rien de commun avec les petites maisons de pierre sombre, aux ouvertures étroites, qui se serrent quelques mètres plus bas.
« C'était surtout une préoccupation personnelle , dit-il. Je suis à sept ans de la retraite, et elle ne va pas être lourde. Il fallait songer à avoir un endroit à nous. » Ghislaine a l'air de s'inquiéter pour son gratin, on rentre déjeuner. A l'intérieur, le poêle à granulés de bois diffuse une bonne chaleur. Eau de coing en apéritif, gratin et tome de brebis produite par Bové lui-même - la bergerie, qu'il gère avec un jeune couple d'associés, est à quelques mètres au-dessous du village. De la table où l'on déjeune, disposée face aux larges vitres de la pièce à vivre, la vue sur le causse est à couper le souffle.
« Ce qui est formidable, avec les vitres que Patrick a installées à l'ouest, c'est que notre chambre rougeoie au couchant. C'est magnifique, s'enthousiasme encore la maîtresse de maison. Et l'autre nuit, on voyait la lune encadrée juste dans le hublot, hein José ? »
Le tout n'est pas immense - 110 mètres carrés, mezzanine comprise - « mais, dans le bois, on respire mieux que dans la pierre », et c'est vrai qu'on se sent au large. Son bureau est sur la mezzanine, « parce qu'on réfléchit mieux en hauteur », entouré de vitres sur 360 degrés, comme suspendu dans les arbres. Des souvenirs de ses voyages sont disposés un peu partout dans cette maison de bois qui ressemble au fond à une arche de Noé. Sur sa table de travail, orientée vers le hameau, un livre est ouvert sur la tranche : « Comment les riches détruisent la planète » (Seuil)